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Préface
Table des Matières

 
 

 

Texte fondateur

Il faudrait clouer l'écho des mots dérisoires
Sur le roseau souple de l'intime mémoire.

Lorsque Cécile décolla son oreille de la porte, aucun remords ne la tenaillait. Même si Julien avait intériorisé la honte d'être cocu, il ne pouvait pardonner à Marie ses avortements successifs. Elle gagna la Salle Ronde où l'annonce de l'absence prolongée de leurs hôtes fut accueillie avec mollesse plutôt qu'incrédulité. Elle esquiva le face-à-face avec Angèle mais confessa à Massacra qu'une querelle avait éclaté au-dessus de leurs têtes. Il se désintéressa de son motif. Sitôt le café avalé, Cécile se précipita à l'étage supérieur. Elle se retira pudiquement car Julien sortait de la Chambre Dorée.
En baladant son doigt sur la tranche de l'Histoire des Le Beaussaint de 1537 à 1793, elle se rappela le jour où Julien avait soumis l'ouvrage à son jugement. Marie venait d'en écrire une page supplémentaire... à moins que ce ne fût elle-même ? Le temps courait trop vite. Elle aspira à un peu de réconfort et saisit Antigone sur un rayon voisin. Elle s'installa à la table de lecture dans un silence inquiétant. Angèle l'avait longuement dévisagée pendant le repas puis avait détourné son regard.

Ages héroïques

Je suis folle violence
Quand je surprends la connivence.

La rage démente rayait les yeux verts d'une lueur mauvaise quand il empoigna la bouteille de gin. Mutin avait compris que le vent funeste soufflant sur le Manoir depuis la récitation de Julien risquait de l'emporter à son tour. Il s'était résolu à noyer l'amertume due à son impuissance devant la retransmission d'un match de football. Gorbuth entra dans le Petit Salon et se força à la gravité. "Tu sais quelque chose ?
- Non et crois bien que je regrette."
Il remplit son verre, leva la bouteille d'alcool à l'attention de Gorbuth. "Je t'en sers un ? C'est sans glaçons.
- Je vais en chercher."
Il ramena la marchandise promise et trinqua avec Mutin avant de suivre avec lui la rencontre sportive. Mutin s'en désintéressa le premier. "J'aimerais savoir ce qui se passe.
- Julien en a eu assez d'être traité comme un chien.
- Marie le traite comme un chien... Tu me l'apprends."
Gorbuth s'irrita. "Cette foutue garce traite tout le monde comme un chien. Les bonjours lui arrachent la gueule. Elle attend d'être honorée comme une reine et le pire, c'est qu'elle l'est !" Mutin réagit vivement. "Tu es moins vindicatif sur un court de tennis ! Marie serait donc la reine des chiennes et nous ses chiots malheureux ?"
Indifférente au geste amical de Gorbuth, Angèle lui demanda sèchement : "Tu sais où est Cécile ?" Ce fut Mutin qui répondit : "Je l'ai vue entrer dans la Bibliothèque." Elle sortit comme elle avait surgi. Gorbuth se frappa la cuisse. "C'est avec nous qu'elle devrait rester." Mutin exhiba les crocs. "C'est à peu de chose près ce que je me disais." Gorbuth marqua un temps d'arrêt. Il vida le verre d'un trait et se tourna vers le poste de télévision. (.../...)