Les années Gagnières : ascendant - : oncle - : cousin)
Les descendants de Cyprien Marius (1864 - ...)

Ces années au cours desquelles le microcosme familial explosa, où les montagnes, si hautes pour les fourmis humaines, si collantes aux pieds quand le soleil tire ses rideaux rouges sur l'enfer familier d'une vie de travailleur, devinrent taupinières puis disparurent sous les roues automobiles, ne furent pas des années de bonheur. Le travail devint plus pénible, l'aliénation plus totale, l'isolement plus grand qu'aucune imagination humaine n'avait pu l'envisager. Elles portèrent cependant tant d'espoirs de réussite individuelle et de possibilités d'épanouissement dans l'immensité des territoires soudain découverts qu'elles restent chères à ceux qui les vécurent. Oh certes, l'éloignement de l'œil et de la main du père, la disparition des contraintes religieuses et sociales élaborées dans les univers clos ont fragilisé la famille, le savoir-vivre et la morale. La précarité de la Vie, clé de voûte des religiosités, banalisée par les grandes hécatombes endémiquement programmées, a institué en système philosophique l'acceptation implicite du sacrifice du présent pour l'amélioration du futur, l'unicité de l'individu s'est perdue dans la croyance collective au mythe d'une masse populaire garante cooptée de l'avenir de l'humanité.

Les Émigrés :
La fin de Malarce

L'essentiel des descendants n'habite pas Gagnières, mais nombreux sont ceux qui partis des combes obscures vers les chevalements aériens de leurs mines profondes se réveillèrent à des années-lumières de leurs rêves émerveillés.
Louis André Ambroise Charaix, fils d'André et Marie Roux, est mineur de houille à Bessèges, il épouse Victoire Appolonie Brunel d'Alais fille de François Joseph Barthélémy voiturier et de Marie Henriette Robert. Joseph Firmin, son frère, épouse Marie Appolonie Boyer fille de Basile Bruno et Appolonie Trouillas. Je leur connais trois enfants, Firmin Joseph, Eugènie Clotilde, Louise Emilie. Julie Hortense, sœur des précédents, épouse Clément Jean Coulomb de Lafigère fils de Jean et Rose Fayolle. Junie Lucie, autre sœur, épouse Léon Justin Gascon de Gravières fils de feu Pierre Louis et Anne France.
Rose Marie Hortense Charaix, fille de Jean Pierre et Rose Angles, épouse Marius Robert Marcel fils de Jacques Clément et de Pauline Angles. Pierre Alphonse, son frère, épouse Eugénie Maria Tourrel de Chambonas fille d'Alexis facteur rural et d'Eugénie Aganier couturière. Justine Léonie, leur sœur, épouse Adrien Joseph Marcy de Gravières.
Marie Rosine Charaix, sœur des précédents, et Justin Marcelin fils de Marcelin et de Marie Gilles son cousin germain se marient. Ils sont tous deux les petits enfants d'Ambroise Charaix et de Rose Benoît.
Ursule Marie Charaix, fille de Marcelin et de Marie Rose Gilles, épouse Marius Adrien Dussaut cordonnier fils de Jean-Baptiste et de Marie Virginie Crégut. Marie Marceline, sa sœur, épouse Marcelin Laurent Rey des Assions travaillant à Marseille fils de Marcelin et de Marie Jallet.

En cette fin de siècle où les parents, faute de fées bénéfiques, entourent plus qu'il n'est raisonnable les berceaux de prénoms nouveaux, illustres ou nitescents foisonnent les Virginie, Marceline, Marie, Joseph, Rosine, Eugénie méconnaissable sous Junie, Polonie déesse sans tête. L'abondance des prénoms, trois voire quatre, multiplie les difficultés d'identification puisque l'ordre de l'état civil, fixé par les convenances, est rarement celui consacré par l'usage.

Cyprien Marius Charaix, fils de Joseph et de Marie, mon grand père, naît le 25 novembre 1864 au Puech. Son acte de mariage, fait le 23 mai 1890 à cinq heures du soir devant Cyprien Robert maire de Malbosc en présence de sa mère, le déclare cultivateur habitant au Puech. Comment a-t-il connu et séduit Léontine Philomène Nadal née le 11 octobre 1868 à 9 heures du soir de Joseph Philippe (Félix) Nadal cultivateur (né en 1824 à Sabuscles et décédé le 18 octobre 1889) et de Marie Martine Pagès née en 1833 ? Les témoins du mariage sont Cyprien Peytavin instituteur, Léon Passeron cordonnier, Philémon Chabassut épicier et Joseph Coste tailleur d'habits. Le mariage donnera huit enfants qui respecteront leur père et chériront leur mère jusqu'à l'adoration comme le veulent conjointement le bon dieu, les bonnes mœurs et les bonnes traditions familiales. Ils habitèrent d'abord à Gagnières la maison Ferrier puis le grand père construisit, face à l'imposante maison Monge, la petite maison jaune si étonnante à voir de la rivière.

En premier vint Marius Cyprien Edouard né le 29 avril 1890 à Sabuscles, annonçant un mois à l'avance le mariage de ses parents. Pauvre femme qui dut accoucher fille dans un monde où le devoir n'avait de sens qu'au féminin ! Léonard Elie, le deuxième, né le 24 août 1892 ne respira que quelques mois l'air de Gagnières. Mais, Victor Gustave Charaix né le 13 juin 1895, Félix René Charaix né le 15 avril 1900, Roger Joseph Charaix né le 29 avril 1902, Gérard Alfred Charaix né le 30 mars 1904, Alphonse Édouard Charaix né le 19 mars 1909 et Jeanne Thérèse Charaix née le 12 février 1912 établirent, avec Marius, la souche des Charaix de Gagnières. Après vingt-deux ans de procréation, Léontine qui allait à l'église pour se reposer y retourne une dernière fois le 4 avril 1936 emportant avec elle la joie de son mari et les rires d'enfants de ses petits. Dors tranquille, mamé, le travail a été bien fait. Marius Cyprien paysan converti à l'entreprise, père sévère qui doublait sa journée de travail, meurt en solitaire le 23 juillet 1940 dans les tourbillons d'un monde qui a perdu la raison.
Mathilde Rosine Charaix, sœur du précédent, est née le 13 septembre 1868. Elle épouse en août 1890 François Pierre Serre âgé de trente et un ans de Chandolas fils de Pierre et Rose Sylvie Fournet.
Lucien Henri, leur frère, né le 14 mars 1870 épouse à Malarce le 18 avril 1904 Lazarine Thérèse Crispe née le 22 juillet 1882 à Marseille. Le couple aura quatre enfants, Lucienne née le 5 février 1905 à Malarce, Marcelle née le 16 mai 1906 à Malarce, Gaston né le 24 septembre 1909 et Léonard, né le 4 mai 1912 à Malarce et décédé le 22 janvier 1968 à Malarce, qui assumait avec un sourire d'une éternelle gentillesse une infirmité que je suis incapable de situer aujourd'hui. Sans doute était-ce une main atrophiée qui ne l'empêchait pas d'abattre avec adresse le travail quotidien d'un cultivateur d'autrefois dans la ferme de Gachalou.

Les Conquérants :
Gagnières

Lucienne Charaix, fille de Lucien et Lazarine Crispe, née le 5 février 1905 à Malarce épouse le 5 septembre 1926 à Malarce Eugène Béalet des Assions où elle vivra jusqu'à sa mort le 15 mars 1982. Elle est la mère de Roger.
Marcelle, sa sœur, née le 16 mai 1906 à Malarce a épousé le 6 février 1946 à Malarce Marcel Rieu des Salelles où elle habita jusqu'à sa mort le 23 janvier 1985.
Gaston, leur frère, né le 24 septembre 1909, la même année que papa dont il était très proche, épouse le 20 octobre 1945 à Lafigère Juliette Maurin née le 11 mars 1916 à Lafigère. Il meurt le 7 janvier 1960 à Malarce Leur fils Georges, menuisier à Gachalou, est né le 25 mars 1949 à Malarce. Il épouse le 2 octobre 1976 à Malons Jeanne Régis née le 2 avril 1952 à Malons. Leurs enfants sont Sylvain né le 7 décembre 1984 et Rosemonde née le 9 août 1986 tous deux à Malarce.

Marius Cyprien Edouard Charaix, fils de Marius Charaix et de Léontine Nadal, entrepreneur de maçonnerie né le 24 avril 1890, épouse le 19 octobre 1919 Julia Gabrielle Chazal de Courry née le premier juillet 1893. De leur union naît Hélène Malvina le 21 avril 1922. Installé à Toulon pour profiter du soleil et de sa fille, il meurt le 24 février 1958 et Julia le rejoint au cimetière de Nîmes le 30 juin 1988.
Victor Gustave Charaix, né le 13 juin 1895 entrepreneur de maçonnerie et maire de Gagnières, épouse le 7 août 1920 Henriette Louise Léontine Noël née en 1900 de Placide et Célina Crégut de Saint-Paul le Jeune. Renée naît le premier avril 1921 et Rosette, ma marraine, le 13 juillet 1922. Un accident thérapeutique nous priva de la vieillesse sage qui eût dû être la sienne. Il mourut le 7 août 1982 et son épouse le rejoignit dans leur tombeau de Gagnières le 23 septembre 1986.
Félix René Charaix, né le 15 avril 1900 le militaire qui sema la graine du bridge, mon parrain aux prénoms si familiers, épouse le 25 juillet 1925 Georgette Marie Larguier de Gagnières née le 13 janvier 1905. Leur premier enfant, Claude Léopold Marius né le 22 novembre 1926 ne vécut que neuf jours, puis vinrent Liliane en 1930, Robert en 1933 et Geneviève en 1936. Il meurt le 3 juillet 1963 à Nîmes et Georgette le rejoint le 26 octobre 1967 dans leur tombeau de Gagnières.
Roger Joseph Charaix, né le 29 avril 1902, entrepreneur et chemisier dont le plaisir était de mystifier, épouse le 4 septembre 1926 Henria Denise Barthélémy de Saint André de Cruzières née le 21 mai 1905. Du couple naîtront le 6 novembre 1927 Georges, profession "légende", et le 16 mai 1933 Ginette. Il meurt à Nîmes le 21 septembre 1969, un mois avant maman, et Henria le rejoint le 25 avril 1991 au cimetière de Nîmes.
Gérard Alfred Charaix, né le 30 mars 1904, entrepreneur à Gagnières invincible autour d'une table, épouse le 10 janvier 1931 Rose Marguerite Jeanne Masmejan de Villefort née le 21 janvier 1910 dont il a trois enfants : Huguette le 20 janvier 1932, Yvette le 11 juin 1933 et Maurice le 8 mai 1936. Il meurt dans la force de l'âge le 2 avril 1955 et Rose le rejoint le 17 juin 1974 au cimetière de Gagnières.
Edouard Alphonse Charaix, ouvrier de ses frères puis entrepreneur, est né pour la Saint Joseph 1909. Le 18 octobre 1930 il épouse Blanche Marguerite Joséphine Aymard, fille ainée d'Émile Félix et de Blanche Marie Pomel du Mas Pomel de la Vigière, sa presque jumelle du 18 mars. André Marius est né le 5 mai 1931 à Gagnières et moi, René Félix, le 26 octobre 1944. La mort de maman est une inacceptable explosion dans la nuit du 26 octobre 1969, la disparition de papa le résultat d'une lente érosion jusqu'au 25 mars 1974.
Jeanne Thérèse Charaix, la petite sœur institutrice, est née le 12 février 1912. Elle épouse le 3 août 1936 Roger Auguste Raoux, instituteur et prisonnier, né en 1913 à Rochessadoule. Le 11 août 1946 est né Robert. Ils ont quitté leur maison hors du temps de la rue Alphonse de Seyne pour mourir à Bernis. Jeanne n'était déjà plus de ce monde quand elle le quitta le 13 novembre 2003. Roger, perdu sans elle, la retrouva le 9 février 2004.

Les herbes obstinées grimpent sur les clapas,
les pierres des acols retournent au valat,
les cousinettes folles sont de sages mamés.
Voici la fin de l'histoire sans fin.

Pleure mon cœur les souvenirs si forts qui s'estompent,
les êtres si chers disparus à jamais,
les moments si clairs qui pâlissent ;
pleure mon cœur la fuite immobile du temps.

Nanteuil le Haudouin, juin 2002