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Préface
Table des Matières

 
 

 

Le Diable et sa grand-mère

 

Il était une fois un petit garçon sans père ni mère, pour qui s'endormir un soir dans le dortoir gelé de l'orphelinat et s'éveiller au matin contre la chaude poitrine d'une sexagénaire avait disloqué la vision contrariée de l'univers. Agé de six ans, il avait imaginé que la retraitée restée seulette après la mort accidentelle de son mari était sa mère revenue pour l'enlacer d'un long voyage autour du globe. Sans doute la nourriture n'abondait-elle pas dans la petite maison de briques rouges mais que signifiaient ces choses au regard de la déferlante de tendresse qui inondait sa vie ? Silice accepta ces révélations sur la légèreté du partage et la gravité de l'amour.
La pupille venait de fêter son huitième anniversaire. Sa tutrice ne l'avait pas inscrit à l'école primaire sous prétexte qu'elle n'avait jamais souffert de son manque d'instruction. Elle l'emmenait à travers les champs où les fruits pendaient aux branches et entassait pêle-mêle des herbes sauvages dans son cabas usé. Quand les services sociaux lui rappelèrent ses obligations, elle se résolut à battre seule la campagne. Si Silice s'essaya à l'école buissonnière, il consentit très vite à l'enfermement en classe de peur que l'indiscipline ne condamnât à terme le temps passé ensemble.
Le corps se drapait dans la poussière du chemin de terre qu'ils avaient maintes fois emprunté lors de leurs promenades. Le cœur avait cédé près d'une haie d'épines à laquelle Silice piqua son auriculaire dans son désarroi. Du panier d'osier dépassait, dans le désordre des tissus végétaux, la tête flétrie d'un coquelicot. Il parla toute la nuit à la dépouille, la berça dans ses bras frêles, pleura sans fin. A l'aube, impuissant à la traîner dans l'ombre du cerisier qui bordait le sentier, il l'embrassa sans un adieu. Attrapé au collet puis introduit dans une nouvelle famille, il sut qu'il ne connaîtrait jamais le lieu de repos du cadavre. Avant que le souvenir ne suivît le cours naturel de l'oubli, longtemps les rites célébrés par la mère de substitution le hantèrent. Ils s'accordaient de veiller tard en période scolaire. Près de l'âtre où elle remuait la cendre en hiver, ils bavardaient sans notion de l'heure, jouaient à la crapette, se penchaient sur la récolte quotidienne de plantes. Ils erraient dans les paysages nocturnes puis Silice s'assoupissait contre le sein de celle qu'il avait appelée maman.

Etreinte de l'amitié

Docte discours d'ange exilé parmi les bêtes.
Echange hormonal ou chantage malhonnête ?

Sanctis actionna la poignée de porte à l'heure convenue. Si l'indécision l'avait écartelé dans l'après-midi, il en allait différemment à la nuit tombée, même lorsque Massacra se faufila derrière lui pour pousser le verrou de la Chambre aux Nains. Sanctis empila ses habits sur une chaise et s'allongea sur le lit en collant les bras le long du tronc. Le professeur décrivit son corps maigre de l'ourlet de l'oreille à la pointe de l'orteil. Sans impatience ni brutalité, il approcha sa main velue et empoigna le sexe qui se gonflait. Il le décalotta en douceur et le laissa s'ériger pleinement. Les doigts avalèrent la hampe. "Il faut t'exercer souvent. Sinon, les filles se moqueront de toi." Du bout des lèvres, Sanctis lâcha : "Je ne sais pas comment faire.
- Tu n'as jamais vu celle de ton frère ? Demande-lui de te montrer."
Les muscles de Sanctis se détendirent. Massacra le nettoya avec un mouchoir en coton avant de l'interroger abruptement : "Tu diras à ton frère que tu es venu ?" Le jeune homme secoua la tête et baissa les yeux. Il enfila rapidement ses vêtements et se fondit dans l'obscurité du vestibule. Dans sa chambre, il maudit la démission de Julien et lui-même, né pour souffrir, sans perspective d'amour, seul et angoissé, déchet sordide que le déferlement de son propre dégoût rendait pitoyable. Il avait supplié son frère de l'emmener au Manoir et le vent lui susurrait un vers honni. La Chambre Rose : pour hospice, la prend le jouvenceau Sanctis. Sa mère lui manquait au rythme de la mécanique de l'horloge martelant l'assaut de sa pudeur par les griffes dévorantes. L'envie avortée de pleurer résumait sa malédiction : rien d'accompli ne lui était accessible. De guerre lasse, il sortit le Satiricon du tiroir de la table de chevet. (.../...)