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Préface
Table des Matières

 
 

 

Dames de compagnie

Un ciel blanc au-dessus de la tête,
Le cœur et Dieu pour soi,
Du miel gris par-dessus l'arbalète,
Ma peur et mieux pour toi.

Silice avait enfourné le bout de cannabis dans sa poche avec une sèche sobriété de paroles. Le visage de bronze s'était fermé sur la perspective immédiate de plaisir. A peine tournait-il les talons que Cécile avait fondu sur Angèle pour l'empêcher de s'apitoyer.
Elle apprivoisa ses larmes par des gestes maîtrisés. "Je suis la première à te serrer dans les bras ?" Des roses fleurirent sur les joues d'Angèle. "Tu es la première." Elle hésita encore à emprunter une posture qui n'était pas sienne. "Pourquoi t'intéresses-tu à moi ?" Cécile effleura ses lèvres. "Pourquoi ne pas avoir cédé avant ?"
Cécile sombrait dans le sourire de Malika. Le regard d'Angèle balaya la Chambre aux Arcs avec incrédulité. "Je ne voulais pas ça." Cécile saisit ses lunettes sur la table de chevet. "Les regrets sont déjà là !
- M'aimes-tu vraiment ?"
Cécile s'enveloppa d'un drap et se leva. "Balkis est une menteuse." Angèle s'indigna. "Tu te trompes sur Balkis. Elle n'est pas plus mauvaise que toi.
- Fielleuse comme le serpent, vicieuse avec ses patients... Elle te fait marcher."
Angèle roula sur le flanc. "Tu es jalouse ?" Cécile emprisonna le cou entre ses mains. "Je brûle ce que je touche. Pourras-tu m'aimer ?"

Jeannot et Margot

 

Rentré d'Egypte trois mois auparavant, Julien avait confortablement installé sa femme au Manoir. La gestion financière de son portefeuille le menait fréquemment à Paris où il rendait visite à son père placé en clinique. Par extraordinaire, il mit l'un de ces séjours à profit pour frapper à la porte de Balkis dont il était sans nouvelles depuis son voyage de noces. Il avait d'emblée décidé de garder secret leur entretien du fait de l'animosité viscérale de Marie qui jugeait l'étudiante en médecine à l'aune de son tour de poitrine. La beauté épanouie de Balkis avait piqué la jeunesse de Julien bien avant les charmes propres à son épouse.
Balkis le soulagea de son chapeau de feutre gris en s'enquérant poliment de l'absence de Marie. Elle l'entraîna dans un sillage de parfum. Devant un verre de martini, elle commenta laconiquement les événements des dernières semaines. Dans un dispensaire malgache, elle avait collaboré à un programme de formation à la prévention des infections sexuellement transmissibles. L'incrédulité souleva la lèvre supérieure de Julien. Balkis enfonça de longs ongles manucurés dans la masse noire de ses cheveux. "Mes qualifications m'autorisent ces initiatives." Il hocha vivement la tête. "Je n'en doute pas." Quand Balkis détendit le noeud de sa cravate, il avait oublié l'existence de Marie. Il suffit que Janis Joplin embrasât la platine pour que le devoir conjugal tutoyât à brûle-pourpoint ses rêveries. Balkis tourna la clef derrière lui sans lui reprocher sa lâcheté de voleur. Même si Marie ne représentait rien de sacré, elle n'avait pas l'intention de menacer son couple. Elle respectait une règle de conduite avec la vigueur de la hache : éviter la cruauté délibérée. La blessure lui avait d'ailleurs été réservée : Julien ne brillait pas par son audace amoureuse. (.../...)