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Préface
Table des Matières

 
 

 

Nœud de vipère

Les dents nacrées qui pointent
Hors de ses lèvres blanches
Ne martèlent ni crainte,
Ni chanson, ni rancœur,
Devant le franc violeur
Posant mains sur ses hanches.

Mutin glissa précipitamment la bouteille contre la table de nuit et fixa la porte qui joua à nouveau comme un tambour. Il bredouilla au visiteur d'entrer, oubliant qu'un reliquat de pudeur lui avait commandé de pousser le verrou. Il courut le débloquer quand il reconnut la tonalité rauque de la voix. Balkis entra dans la Chambre Rouge, précédée d'une effluve de violette. Maquillée avec outrance, elle se colla à lui dès qu'il eut rabattu la porte. Jouant avec son crucifix, il éclata de rire. Même imbibé d'alcool, il analysait avec logique. Il l'entraîna vers le lit en s'émerveillant des sous-vêtements qu'elle portait sous sa robe de chambre. Balkis le déshabilla et pleura quand elle effleura le sexe rigide. Dans la hâte à se venger d'un sevrage forcé, Mutin déchira la culotte en dentelles. Balkis garda l'iris grand ouvert sur la vague qui la submergeait. Elle enfonça ses ongles dans les fesses musclées. Peu lui importait alors que ce ne fût pas Silice qui la soumît. En accueillant entre ses lèvres la verge de Mutin, elle se prit néanmoins à rêver.
Elle enfila la robe de chambre avant de ramasser la culotte et le soutien-gorge sur le plancher. Jambes écartées sur le lit, Mutin s'étonna hypocritement : "Tu ne veux pas qu'on cause un peu comme deux vieux cons ?" Elle avait posé sa main sur la poignée de porte. Il sirota le gin en la surveillant d'un oeil. "Si tu croises Sanctis, tu vas l'affoler. Gorbuth lui a promis la pleine lune dans trois jours." Prudent, il ajouta : "Tu es belle à damner, ma vieille."
Dans la chambre aux Cœurs, Balkis se répéta les mots à voix basse. "C'est vrai, ma vieille, qu'on en aura fait du chemin toutes les deux."

Causerie de salon

Egorgeons les mensonges,
Noyons les faux-semblants.
Le frein déjà me ronge
Dedans mes rêves blancs.

La pendule de l'horloge du Salon Pourpre sonna une heure. Il était inhabituel pour Massacra de veiller à une heure aussi tardive mais il avait été entraîné par un papillon de nuit. La fumée du cigare enveloppa Silice dans son voile. Le professeur gratta son menton rasé de près le matin même, irrité de la repousse inéluctable des poils. "Votre éducation à tous deux aurait dû faire obstacle à cette prestation désastreuse." Silice jeta sans l'éteindre le bout de cigare dans le cendrier. "Je n'avais pas compté sur ta déficience d'humour.
- L'humour, comme tu dis, n'induit pas la médiocrité."
Silice ébaucha un sourire étrange. "Ce sont des rimes sans prétention.
- Ni sens. On est bien d'accord ?
- En es-tu si peu convaincu toi-même ?"
Massacra s'attendrit sur lui-même. "Je ne reconnais plus mon brillant élève." Il s'enfonça profondément dans le fauteuil. "Où sont passées tes ambitions d'écriture ?
- Que crois-tu ? J'ai vieilli.
- On dirait que ça t'amuse. Tu fumes trop."
La figure de Silice s'éclaira d'une douce mélancolie pendant que l'interrogatoire s'enhardissait. "Manges-tu assez ? Tu es maigre à faire peur.
- Massacra, je te saurai toujours gré de ta sollicitude maternelle mais je m'en passerai bien. Je vais bien."
A peine les mots expiraient-ils qu'il s'alarma de l'engourdissement de son esprit. Massacra se pencha au-dessus de la table basse. "De quoi vis-tu ?
- Tu le sais bien, de quoi veux-tu que je vive ? avec mes travaux de traduction.
- Tu n'as pas de revenu stable et tu vas refuser le poste d'assistant à l'université que te propose Cécile, je suppose."
Pressentant une longue agonie, Silice s'essuya le front. "Tout se résume donc à l'argent ?" Il n'entendit que les échos de sa voix. Son corps alourdi tressaillit au souffle du Méchant Galoup. "Je monte me coucher." Il s'évanouit dans les ténèbres en laissant Massacra à ses interrogations. La nappe de fumée stagnait encore sous les lambris du plafond. (.../...)