Page d'AccueilÉcrire au WebMaster
Page Suivante
Page Précédente
Préface
Table des Matières

 
 

 

De prime saut

Hélas ! Le fossé s'est creusé
Dans la brume amassée.
Hélas ! Le miroir s'est brisé,
Sans soupir ni saigner.

Les motivations de Marie, déportées par des bourrasques intérieures, éclataient à la lumière de la Chambre Dorée comme des bulles de savon. Trop souvent décontenancée par ses confidences à l'emporte-pièce, Angèle ne lui donna pas l'absolution pour la confession de l'adultère. "Ainsi s'explique le déjeuner." Elle s'était assise devant la psyché. "Ainsi s'expliquent les insultes." Marie proféra un juron. "Silice est l'unique responsable.
- C'est ce que cet idiot a dit… Il ne pensait pas à mal... ne voulait que plaisanter... Enfin, Marie, Julien a évoqué de sang froid votre relation intime !"
Marie sursauta. "J'aimerais savoir quel enfant de salaud..." Après une brève hésitation : "La sortie de Balkis ressemblait à une fuite.
- Personne n'a été épargné."
Marie s'énerva. "Silice a vraiment dépassé les bornes." Angèle murmura : "C'est un étrange faisceau d'ombre et de lumière." Marie pivota devant le miroir. "Sois honnête, il est fautif. J'ai mis cette jolie robe. Pour quel résultat ?
- Elle te va bien.
- J'ai changé depuis le lycée.
- Ta poitrine est aussi belle."
Marie se contempla avec une assurance telle qu'Angèle s'empourpra. Catin sans fiel, pulpeuse Angèle en Chambre Blanche se flagelle. Dispersant les sombres pensées d'un revers de main, elle releva le front. La robe de Marie avait glissé sur le parquet de sorte qu'elle voyait ses seins lourds. Marie l'inonda de son sourire. Bien que contractée, Angèle obtempéra, ôtant d'abord le corsage puis dégrafant son soutien-gorge. Elle lança un coup d'œil furtif au miroir et Marie l'empêcha de se couvrir le buste. "Tu as tort de te cacher." Angèle rougit encore. "Tais-toi, tu sais que je n'aime pas ça." Marie s'assit sur le lit. "J'aimerais que tu comprennes ma relation avec Mutin.
- C'est fini, n'est-ce pas, Marie ?"
Marie scruta les dorures du plafond puis Angèle qui reboutonnait son corsage. "Bien sûr, bien sûr que c'est fini. Seulement, il reste les souvenirs."

Les Atrides Incestueux

L'un offrait un cœur doux, l'autre un cœur endurci.
Agrippa d'Aubigné.

En 1616, méteil et chanvre foisonnaient dans le pays de Morgueil longtemps entravé par les guerres de religions. Henri Le Beaussaint présidait à l'assèchement des marais et au défrichement de terres nouvelles. Le château que l'on dénommait à présent le Manoir des Sangliers avait accueilli, auprès de son épouse Angèle de Malitorne et de leurs propres enfants, ses jeunes demi-frères. Henri enseignait l'art de la chasse au dernier-né de Julien et de Cécile Rétoile. Avec Louis, il devisait aussi bien sur le gibier que sur les plants de lupin qui égayaient les abords des champs. Quand l'adolescent multiplia les tentatives de fugues, Henri dut néanmoins se résoudre à le placer sous surveillance. Louis s'assagit au gré des journées de réclusion et la sanction fut vite levée. Tout en grâce et langueur, il frétilla comme un alevin rendu à son plan d'eau. Les fêtes se succédèrent en convoyant vers le château compagnons d'armes et riches notables de Morgueil. Jumelés en toutes circonstances, Louis et le fils du forgeron se lièrent d'amitié. Les pas guidés par la jalousie, le chevalier les découvrit un jour enlacés dans un même lit. Il traîna le roturier au bas du grand escalier et l'occit à coups de masse vengeresse. Dans la Chambre aux Arcs où son puîné se rhabillait en hâte, il le violenta. Atteinte de mutisme, la maisonnée inscrivit les hurlements dans sa chair. Louis disparut dans la nuit qui tomba sur l'outrage. Peu de temps après, le Chevalier de Morgueil engageait le Manoir dans un plan de rénovation. (.../...)