Les semailles et les moissons : (: ascendant - : oncle - : cousin)
André Charaix propriétaire au Conchaix des Salelles (1668 - 1705)

Depuis ses débuts sur la scène officielle André signe Charais mais ses enfants adopteront le Charaix qui est arrivé jusqu'à nous.
La date du mariage d'André Charaix et Jeanne Bourzes évoqué à la fin du chapitre précédent, est si floue et le mariage si fertile qu'il n'est pas simple de situer rationnellement les dates de naissances des premiers enfants. Les registres paroissiaux des Salelles, interrompant vers 1660 une fâcheuse lacune de plusieurs dizaines d'années, font état des baptêmes de Jacques le 17 juin 1668, Marie le 28 juillet 1672, Joseph le 7 octobre 1673, Jean, notre Jean, le 13 septembre 1674 parrain Jean Borrelly des Ferrands, marraine Catherine Combalusier des Champels, Marguerite le 29 septembre 1677, François le 31 décembre 1682, Thérèse le 13 mars 1685. Les parrainages des trois derniers enfants ajoutent Pierre, Françoise, Antoine, Jeanne, Hélène ce qui avec l'aîné Louis fait un total de treize enfants, à une tête du record à venir de Sauveur.
Donc en 1675 quand Françoise Jallet fait sa donation à son fils, celui-ci, bien qu'en possession de neuf enfants, n'est encore que ménager (métayer), sa mère ne lui ayant donné aucun droit sur la propriété. Sacrée Mamé !
Dans la rubrique matrimoniale de Sablières, nous relevons que François Bourzes docteur et avocat, fils de Noël notaire royal du Grimaldès de Sablières et de feue Marie de Bellidentis, épouse Hélène du Fayet, fille d'Etienne seigneur du Mazel dans la paroisse de Saint Julien de Tournel diocèse de Mende, et de Jeanne de Bouton. La dot de trois mille livres, deux coffres et trois robes est payable pour la Saint Michel de 1670. Le beau-père d'André a les moyens.
C'est au tour des enfants d'André Charaix de se marier, dans l'ordre des naissances et dans leur paroisse pour les filles. Françoise Charaix épouse le 28 août 1685 Louis François Reversat du Jaugin de Malarce. Nous retrouverons le couple trente ans plus tard lors d'un inventaire qui décrit minutieusement l'environnement d'une famille de la petite bourgeoisie locale. Comme Marie Folchier en 1615, Jeanne Bourzes met au monde une fille et en marie une autre la même année. Hommages aux mères et compliments aux papas ! Le 22 novembre 1689 Jeanne Charaix se marie avec Antoine Guas de Montachard. De la dot de sept cents livres, quatre cents sont versées par André le 28 août 1692 et quatre vingt trois livres le 12 décembre 1693 par Louis Charaix son fils, notaire royal, dont trente livres onze sols huit deniers en argent et le reste "pour la côte de taille" due "par Antoine Roux de Montachard grand-père dudit Gas laquelle côte demeurera précomptée et payée au moyen de ladite somme" à André Charaix qui est, cette année là, consul et collecteur. Le 18 septembre 1700 Jeanne Charaix est morte et son mari donne quittance de la totalité de sa dot à "Mr André Charaix son beau-père du lieu du Conchaix paroisse susdite absent Me Louis Charaix son fils notaire royal pour lui stipulant". Le 20 janvier 1691 a lieu le mariage d'Hélène Charaix avec Antoine Tastavin du Claux de Saint Jean de Pourcharesse.
Le 11 février 1692 Louis Charaix praticien du Conchaix épouse Jeanne Borbal fille de Jacques et de Claire Ranc de la Combe de Saint Jean de Pourcharesse. Le contrat de mariage signé le 9 janvier 1692 en présence du révérend père jésuite Borbal, oncle de la mariée, stipule que "pour la dotation de ladite demoiselle Borbal ledit Borbal son père a promis lui donner et constituer pour ses droits légitimes tant paternels que maternels la somme de mille trois cent livres savoir du chef paternel onze cents livres et pour les droits maternels deux cents livres" et que le marié reçoive la moitié des biens de ses père et mère qui en conservent les fruits leur vie durant. Le 23 mai 1703 André déclare avoir reçu trois cent soixante une livres de Jacques Borbal "pour paiement en déduction et à bon compte de la constitution que ledit Sr Borbal aurait faite à Jeanne Borbal sa fille en son contrat de mariage avec feu Me Louis Charaix notaire son fils reçu par Mes Bourzes et Mathieu notaires en sa date". Louis est mort !

Malarce, aujourd'hui Malarce-sur-la-Thine, est la commune des hameaux. Ils occupent sur la rive gauche du Chassezac les rares terrains plats à flanc de montagne. Les sombres et austères murettes de lauzes soutiennent des terrasses laborieusement entretenues. Toute épaisseur de terre durement arrachée à la montagne est cultivée et qu'importe si les raisins ne sont qu'imparfaitement mûrs ! La piquette sera assez bonne pour accompagner le pain des pauvres, la châtaigne, nourriture quotidienne des hommes et des animaux. Fraîche ou séchée, rôtie ou bouillie, entière ou écrasée, à l'eau ou au lait, qu'elle soit bajane, afachado ou dans un cousina la châtaigne est toujours présente.
Le 25 janvier 1688 a été baptisée "Catherine Parran fille légitime de Sauveur et d'Anne Mathieu âgée de quatre jours du lieu du Puech.". En 1702, elle devient la bien jeune épouse de Jean Charaix fils d'André. La découverte inespérée, en 1993, d'une quittance de dot d'André Charaix des Sabatiers à Sauveur Parran du Puech le 14 juillet 1708 qui établit avec certitude la liaison entre les Charaix de Malarce et le document d'Hélène sur les Charaix des Salelles, m'a permis de franchir l'obstacle constitué par l'absence, si fréquente dans la région, de registres paroissiaux autour de 1700 conséquence probable des folies religieuses. Le père de Catherine Parran "de son bon gré a confessé avoir et ci-devant réellement reçu de Mr André Charraix du lieu des Sabatiers paroisse des Salelles ici présent et acceptant la somme de cinquante livres et ce en déduction et acomptes de la constitution faite par ledit Charraix à Jean Charraix son fils dans son contrat de mariage avec Catherine Parrane reçu par feu Me Charraix notaire en sa date sans prétendre des précédentes quittances et du restant de la constitution". Le contrat de mariage a été reçu par Me Louis Charaix notaire. L'acte est signé aux Vans chez André Meynier marchand et cousin germain.

Le 18 octobre 1685 la révocation de l'Edit de Nantes sonne le glas d'une liberté religieuse à la française. Loin des sévères paradis calvinistes, la foi clandestine en un monde plus juste sera la lumière du désert et, face à la honte des dragonnades, l'exemplaire et désespérée révolte des camisards rendra l'honneur au peuple des Cévennes.

Le 2 juillet 1689 Marguerite Lalauze veuve d'Henri Gas des Vans reçoit douze livres d'André pour l'apprentissage de son fils Jacques Charaix âgé de vingt et un ans.
Louis Charaix meurt, Jeanne Bourzes meurt. La peste rôde. Le 21 mai 1703 André Charaix, inquiet, modifie son testament pour intégrer les nouvelles données. Il lègue aux pauvres de NSJC trois cartals de blé distribuables en pain cuit, aux enfants de feue sa fille Jeanne et d'Antoine Gas en plus de leur part sur la dot de leur mère cinq sols, à Françoise et Hélène ses filles mariées en plus de leur dot cinq sols, à Jean son fils marié en plus de sa dot cinq sols, à Antoine Charaix son fils prêtre en plus de son titre clérical cinq sols, à Pierre et Jacques ses fils non mariés trois cents livres de droits paternels payables en trois fois, à François son fils s'il devient prêtre deux pièces de terre pour son titre clérical sous condition que après le décès dudit François les pièces et maisons soient à nouveau réunies au domaine du testateur et s'il n'était pas prêtre, comme ses frères trois cent livres en trois fois, à Hélène sa petite fille et fille de feu Louis deux cents livres quand elle sera en âge de les recevoir, aux autres enfant de feu Louis et Jeanne Bourbal cinq sols. Il nomme "ses héritiers généraux et universels ledit messire Antoine Charaix prêtre et ladite Jeanne Bourbal sa belle fille veuve dudit Me Charaix notaire pour jouir des fruits et revenus des biens dudit héritage leur vie durant" "à la charge pour eux de remettre lesdits biens et héritage à la fin de leurs jours ou plus tôt si bon leur semble à leurs dits enfants dudit feu Me Charaix notaire et d'icelle Borbal et à tel d'iceux que bon leur semblera". Et pour ne pas diviser le patrimoine, il demande "que par express lesdits deux héritages dudit testateur et de sondit fils soient remis à un seul enfant dudit Me Charaix notaire sans qu'ils puissent être divisés". Et voilà comment l'héritage nous est passé sous le nez. Les noms de Marie, Joseph, Marguerite, Thérèse ne sont pas cités. Sont ils eux-aussi décédés ? La faucheuse devra patienter plus de vingt ans avant que, le 10 avril 1725 à l'âge de quatre vingt douze ans, André Charaix exhale son dernier souffle dans l'air léger d'une journée de printemps.
Triste et difficile, oui, ce dut être triste et difficile pour le vieux monsieur de reprendre les rênes qu'il avait si complaisamment confiées aux mains expertes de son fils aîné dix ans auparavant. Certes André, élevé à la dure école de sa mère, n'avait jamais quitté la scène mais la solitude et l'impérieuse nécessité de continuer l'œuvre entreprise durent être une épreuve redoutable. Le 31 décembre 1703 Pierre Charaix fils émancipé d'André reçoit cinquante livres pour ses droits maternels d'après le testament de sa mère décédée. Le 8 janvier 1705 Jean Borrelly fils de feu Gabriel du Conchaix se dépouille en faveur d'André Charaix "de la faculté de deux chemins que ledit Borrelly prétendait avoir de passer dans la pièce de pré dudit Mr Charaix pour aller à sa pièce vigne et chastanet appelée le Bois de Vinissac".

En cette aube du XVIII° siècle, on trouve des Charaix (Charraix, Charays, Charay) à Banne, à Chambonas, à Gravières, à Joyeuse, à Lafigère, à Malons, à Paysac, à Ribes, à Saint André Lacham, à Saint Jean de Pourcharesse, aux Salelles, à Vernon, … Il est bien peu probable qu'ait existé un ancêtre commun. .../...