De la Ganière à Gagnières
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Si Gagnières n'existait pas...
Le compoix de 1661, le plus complet de tous, détaille exhaustivement les noms des terroirs de tout le mandement(1). Dans la vallée de la Ganière, du nord au sud, sont habités les Olettes, Chavaniac, le Four et la Teaulière (vallée du Doulovy), le Radarès, le Martinet, les Chasses, les Salles (dont les Musniers, les Terrasses et la Ribeyre), les Granges, Bonniol, et Fossignargues. En ajoutant le Crouzet, Castilhon et les Combes construits sur les hauteurs, nous constatons qu'aucune communauté ou terroir de quelque importance ne porte un nom proche de celui de la commune actuelle(2).
Mes illustres prédécesseurs l'ont d'ailleurs suffisamment écrit pour qu'il ne soit pas utile de le répéter, l'histoire ne connaît pas Gagnières.
L'ancêtre de la commune est le mandement de Castillon de Courry. Il appartient à la sénéchaussée de Nîmes et Beaucaire et s'étend sur la Côte (de la Gadilhe aux Combes par Reboul), la basse-Ganière (des Oulettes à Foussignargues par les Salles), les serres entre Cèze et Ganière (de Nibles à l'Elzière par le Gachas), la Cèze (rive gauche du Castellas à Clairac par Charbes, rive droite de Bessèges à la Luxérière par le Buis), plus une enclave habitée entre le Luech et l'Homol (de Tarabias à Chamboredon par Chareneuve). Détails ici
Au XVIIe siècle, ses coseigneurs sont le comte du Roure (famille Beauvoir de Grimoard) et le seigneur de Saint-Victor (famille Castillon). Les mandements voisins sont Banne, Courry, Saint-Brès, Robiac, Saint-Florent, Sénéchas et Portes. Au cœur des Salles, 14 maisons du « Village », séparées des autres par le valat del Vaurel aujourd'hui disparu, dépendent de Portes (marquisat en 1623). En voici quelques traces dans l'histoire :
En 1260, un « affar » (domaine) de 18 pièces appelé Cosas de Sallis (Vidal) est reconnu au prieur de Bonnevaux par la veuve de Raimond des Salles.
En 1276, un acte notarié délimite les mandements de Courry et de Castillon entre Banne et Saint-Brès (Vidal).
En 1345, le « mas » des Salles près de Castillon, Mansus de Sallis prope Castillionis, apparaît dans le Cartulaire de la Seigneurie d'Alès (Goiffon)
En 1384, Castillon de Courri est cité dans le Dénombrement de la Sénéchaussée de Beaucaire (Ménard).
À la Révolution, la commune se substitue au mandement après quelques modifications.
(1)
Juridiction féodale propre à la région. Elle disparaît à la Révolution
(2)
Il existe une terre appelée « la Ganière » à Foussignargues
...Il faudrait l'inventer
La loi du 14 décembre 1789 supprima les anciens corps municipaux. Courry qui était en Vivarais vint dans le Gard, les Vans d'Uzège passa en Ardèche... Le monde bougea un peu. Le mandement rectifié devint la commune de Castillon sur Courry dans le canton de Saint-Ambroix et le district d'Alais.
La municipalité de Courry ayant été suspendue pour « incivisme », c'est « la municipalité de Castillon faisant les fonctions de celle de Courry » qui gère pendant quelques années les intérêts des 1.550 habitants des deux communes. En 1794, la fusion des deux communes est examinée, en 1795 la séparation est envisagée... et réalisée en 1808. La commune devient Castillon.
De 1805 à 1807, l'abornement des limites avec les communes de Robiac et de Meyrannes est réalisé. En 1840, André Dalverny étant maire, le géomètre Borne décrit le territoire de la commune. On y trouve la Côte sauf la Gadilhe (de Reboul aux Combes par Castillon), la vallée de la Ganière (des Houlettes à Foussignargues par les Salles), les serres entre Cèze et Ganière (de Nibles à l'Elzière par le Gachas), la rive gauche de la Cèze sauf Clairac (du Castellas à Revêty par Charbes). La rive droite de la Cèze est allée à Robiac, Tarabias et Chamboredon ont rejoint Sénéchas, l'enclave des Salles a disparu.
Avec l'arrivée de nouveaux investisseurs, l'exploitation minière, longtemps artisanale, s'emballe. Les paysans affluent vers l'enfer salarié. Les structures démographiques et économiques sont bouleversées.
27 juillet 1830, création de Peyremale sur Portes.
14 juin 1841, Castillon devient Castillon de Ganière par ordonnance royale. L'ordonnance porte bien GANIÈRE.
1841, création de Bordezac sur Peyremale.
19 juin 1857, création de la commune de Bessèges sur Castillon de Ganière et Robiac. Castillon perd 2.700 habitants et en garde 1.500.
11 juillet 1858, le conseil municipal proteste contre les prétentions de Bessèges et demande que la limite soit maintenue sur les ruisseaux des Arboussas et des Téronds.
18 juillet 1863, discussion du projet de suppression de la commune de Bordezac (refusé).
1876, 1882, protestations contre le projet bességeois d'annexion des Mas de la Croix, de la Sauvegarde et du Soulier.
8 juillet 1868, Bessèges devient chef lieu de canton (5 communes, 14.294 habitants).
Bordezac et Peyremale sont détachées de Génolhac, Bessèges, Castillon de Gagnère et Robiac de celui de Saint-Ambroix (Eugène Germer-Durand a écrit GAGNÈRE).
1876, achèvement de la jonction Alais-Vogué-Le Teil. La Gare s'appelle... Gagnières. La compagnie du chemin de fer d'Alais au Pouzin a opté pour l'écriture GAGNIÈRES utilisée par les compagnies minières.
En 1889, le point central officiel de la commune de Castillon de Gagnières est le hameau de Foussignargues où se trouvent l'église et la maison commune.
1896, 1900, refus de la création d'une commune aux Salles de Gagnières avec les hameaux de la Rivière, des Salles, de l'Église et de Chavagnac.
En 1901, la population est de 3.250 habitants.
11 janvier 1922, Castillon de Gagnières devient Gagnières par décret (président Millerand). L'écriture GAGNIÈRES choisie pour la gare est entérinée officiellement.
1er janvier 1926, la commune se partage entre Gagnières et Foussignargues. La population de chacune est d'environ 1.500 habitants.
1926, Alais devient Alès.
1er janvier 1972, Foussignargues se perd dans Bessèges et les Génestes reviennent à Gagnières.
1983, Robiac devient Robiac-Rochessadoule. 
Et la rivière alors ?
Il est donc établi que le nom de Gagnières vient de celui de la rivière, surchargé de deux fantaisistes modifications orthographiques.
André Thomas ouvrit, à 15 ans de distance, une polémique avec Henri Soulerin sur l'origine du nom de la rivière.
Ce dernier, s'appuyant sur la transcription du Terrier de Bonnevaux par Auguste Vidal, affirmait que l'étymologie du nom de la rivière était latine : « In mediate totius ejusdem territorii quod vocatur de Silvaformosa [...] in parochia Sti. Petri de Bana quod totum territorium jugitur cum aqua que de Aqua Neiria nomine nuncupatur [...] » ; ce texte extrait de l'acte de partage d'un terroir appelé Silvaformosa (Sallefermouse ?) dans la paroisse de Saint Pierre de Banne entre Pierre de Banne et Gausselin de Castillon fait référence à une eau qui est appelée du nom de Aqua Neiria, eau noire. Conjecturant qu'il s'agissait de notre rivière, il envisageait ensuite une évolution phonétique qui aurait conduit à La Gonieyro en passant par l'Aigo Nieyro. Séduisant !
André Thomas, que cette explication ne satisfait pas, affirme que Silvaformosa n'est pas Sallefermouse, que le texte original est « aqua quo de Aqua Neria nomine nuncupatur » qu'on peut traduire par « l'eau à l'endroit où elle est appelée Aqua Neria » et qu'il existe en effet des Aguaniers sur la Ganière.
Signalant ensuite que le nom des cours d'eau de quelque importance est en général ancien, il rattache Ganière à la racine préceltique « ganda », terrain rocheux.
L'argument de l'ancienneté des hydronymes est recevable (si tant est que la Ganière fut un cours d'eau important) néanmoins, dans le compoix de 1567, le scribe a écrit des dizaines de fois « l'Aigo Negro » pour désigner la Ganière, conséquence d'une transcription phonétique des paroles entendues.
La Ganière existe !
Sur les cartes de l'IGN, la Ganière prend son nom après le confluent des valats de Pialouzet et de Montredon, peu avant le Frontal.
Le plus long des ruisseaux originels est le valat de Bachasside (ou Vachasside) qui prend sa source à 850 m près de la Croix de la Rousse à Malons (Gard).
Les quelques 25 km de son parcours gardois et ardéchois, sont orientés Sud-Sud Est d'abord dans des gorges sauvages et profondes puis dans une plus large vallée alluviale. Torrent près de Cessenade, Valouse, La Playsse, Le Frontal, Gibelin (où elle entre en Ardèche), La Coste, Murjas, elle est plus calme après Gournier (où elle n'est plus qu'à 274 m). Elle baigne alors La Prade, La Fenière, la plaine d'Abeau, La Brique en Bois, La Loubatière et La Boudène avant de revenir dans le Gard à Gagnières. Des Oulettes au pont de Bouniol, elle serpente entre les serres du Puech Nabou, du Vanel et de la Pignatelle, oubliant pendant l'été un peu d'eau dans les gours Peyrol, Noir, Long, Maurel et Ginesclaou. Après Boniol et Foussignargues, elle disparaît à La Nouvelle (154 m).
Sources documentaires
Notes pour une histoire de Gagnières du frère Jules Victorin Mathieu
Relevé de documents et de délibérations
Une enquête sur l'histoire et l'origine du nom de Gagnières par Henri Soulerin en 1965
Essai amusant mais un peu fantaisite
La vallée de la Ganière et Gagnières d'André Thomas en 1981
Le plus sérieux bien que sujet à critiques
Le Terrier de Bonnevaux (traduction d'Auguste Vidal)
Document historique de référence, il contient les actes du Prieuré de Bonnevaux de 1185 à 1737. Retrouvé en mauvais état par M. Bécus dans une écurie de la région à la fin du XIXe, il a été déposé aux Archives Départementales du Gard et transcrit par M. Auguste Vidal
Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes en sept volumes par Léon Ménard vers 1760
Conseiller au Présidial de Nîmes, Léon Ménard est l'auteur d'un ouvrage monumental sur la ville de Nîmes et la sénéchaussée de Beaucaire
Les paroisses de l'archiprêtré d'Alais par l'abbé Étienne Goiffon vers 1880
Archiviste du diocèze de Nîmes, l'Abbé Goiffon est l'auteur de nombreuses et érudites compilations
Les Compoix du Mandement de Castillon de Courry en 1567, 1661, 1742
Documents fiscaux qui décrivent les propriétés des personnes assujetties à l'impôt.
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